Aller au contenu principal
Accueil
Keshinee: Le 18/06/2025 à 08:27 | MAJ à 18/06/2025 à 08:30
Main picture
Publié : Le 18/06/2025 à 08:27 | MAJ à 18/06/2025 à 08:30

Dépenses multipliées de 828 % en 14 ans (entre 2010 et 2024/2025), dette publique à 90 % du PIB, population vieillissante, taux de fécondité en chute libre… Le constat est alarmant : sans réforme du système de retraite, Maurice court tout droit vers une impasse budgétaire. Le gouvernement tire la sonnette d’alarme.

Selon les données présentées dans le cadre des débats budgétaires 2025‑2026 par le Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, les dépenses publiques liées à la pension de retraite (BRP) ont augmenté de 828 % entre 2010 et 2024/2025. Plus inquiétant encore, ces dépenses ont presque doublé en seulement quatre ans, passant de Rs 27,9 milliards en 2020/2021 à Rs 55,4 milliards en 2024/2025. Si rien n’est fait, elles pourraient atteindre Rs 100 milliards d’ici 2035. Cette situation découle en grande partie du vieillissement rapide de la population. Le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus est passé de 186 400 en 2015 à 257 600 en 2024, et il devrait atteindre 315 000 d’ici 2038.

En parallèle, la part des seniors dans la population totale devrait augmenter de 20 % aujourd’hui à 30 % en 2051. Sans réforme, la BRP, un régime non contributif financé par l’État, deviendra insoutenable, car de moins en moins d’actifs devront financer de plus en plus de retraités. Le taux de fécondité, quant à lui, poursuit une chute entamée depuis des décennies : il est passé de 5,9 enfants par femme en 1960 à seulement 1,34 en 2024, bien en dessous du seuil de remplacement de 2,1. Cette tendance laisse présager une diminution progressive de la population.

En conséquence, le rapport travailleurs/retraités se dégrade. Il est passé de 3,9 actifs pour 1 retraité en 2015 à 2,7 aujourd’hui, et devrait atteindre 2 en 2035. Plus la population active diminue, plus le poids financier par travailleur augmente. Autre facteur : l’augmentation de l’espérance de vie. À 60 ans, un homme vit désormais en moyenne 17,92 années supplémentaires, contre 13,4 en 1962. Pour les femmes, cette espérance est passée de 16,3 à 21,75 ans sur la même période. L’État se voit donc contraint de financer des pensions sur une durée bien plus longue.

En 2024/2025, les dépenses liées à la BRP ont dépassé les dépenses publiques combinées en éducation, santé et logement. Le service de la dette, désormais deuxième poste budgétaire après les pensions, atteint Rs 21,8 milliards. La dette publique, elle, devrait culminer à Rs 642 milliards d’ici juin 2025, soit 90 % du PIB. Une situation critique qui limite les marges de manœuvre budgétaires et menace la stabilité économique du pays.

Dès 2015, le FMI avait anticipé que, sans réforme, les dépenses de la BRP atteindraient 8 % du PIB en 2050. Aujourd’hui, ce seuil est quasiment atteint — 7,8 % — avec 25 ans d’avance, en raison de décisions qualifiées d’irresponsables par l’actuel gouvernement. « Aucun politicien n’aime prendre des décisions impopulaires », a déclaré le Premier ministre. « Mais laisser les choses telles quelles, c’est faire porter à nos enfants et petits-enfants le poids d’un système à bout de souffle. » Le Dr Navin Ramgoolam a également clarifié la nature de la pension contributive et non contributive. La BRP est non contributive : les bénéficiaires n’ont jamais cotisé. Elle est intégralement financée par le budget de l’État.

À l’inverse, un régime contributif implique des versements mensuels du salarié, ce qui n’est pas le cas ici. Les augmentations de la BRP ne peuvent donc être financées que par davantage d’emprunts ou d’impôts. Le gouvernement précise qu’aucune modification de l’âge légal de la retraite n’a été introduite : il reste fixé à 65 ans. Ce qui change, c’est l’alignement de l’éligibilité à la BRP, afin d’assurer sa viabilité à long terme. Le Premier ministre avertit : sans consolidation budgétaire urgente, Maurice risque d’être déclassée à un statut financier « junk ». Une telle dégradation aurait des conséquences désastreuses : hausse du coût des emprunts, dépréciation de la roupie, fuite des investisseurs, affaiblissement du secteur financier et réduction de l’investissement direct étranger.