
Le Directeur des poursuites publiques (DPP) a officiellement annoncé qu’aucun recours ne sera introduit devant le Judicial Committee of the Privy Council (JCPC) dans l’affaire Bernard Maigrot, initialement condamné en 2024 à 15 ans de servitude pénale pour le meurtre de Vanessa Lagesse, avant que sa condamnation ne soit annulée par la Cour suprême. Après une analyse approfondie du jugement et des recommandations juridiques locales et internationales, l’instance estime qu’un appel n’a que peu de chances d’aboutir. Toutefois, le DPP appelle à la réouverture de l’enquête, et recommande des réformes structurelles pour éviter des erreurs judiciaires similaires.
Le 27 juin 2024, Bernard Maigrot avait été reconnu coupable par un jury à la majorité, avant d’être condamné à 15 ans de prison. Il avait ensuite fait appel de la décision en avançant 28 motifs. Dans sa décision, la Cour suprême s’est concentrée sur quelques points clés, dont ceux liés aux preuves ADN retrouvées sur les lieux du crime.
Il n’était pas contesté que l’ADN de l’accusé figurait sur deux objets saisis dans la maison de la victime. Toutefois, deux questions majeures demeuraient : comment et quand ces traces ont-elles été déposées ? Tandis que la poursuite avançait que cela s’était produit dans la nuit du 9 au 10 mars 2001, moment du meurtre, la défense soutenait que cela remontait à une visite datée du 6 mars, soit trois jours avant les faits.
Si la Cour a reconnu que le juge avait correctement exposé le droit et les faits à examiner, elle a aussi souligné plusieurs erreurs d’appréciation dans les instructions données au jury. Ces erreurs portaient sur des points essentiels du procès, compromettant selon la Cour l’équité du verdict. Le cumul de ces manquements représentait un « risque sérieux de déni de justice », justifiant ainsi l’annulation de la condamnation.
Le DPP indique qu’en dépit des sollicitations du public, le seuil requis pour saisir le Privy Council n’est pas atteint. Une décision motivée par une double analyse : d’une part, l’évaluation juridique interne des failles ayant conduit à l’annulation du verdict ; d’autre part, un avis indépendant sollicité auprès d’un cabinet britannique de renom, confirmant la faible probabilité de succès d’un tel recours.
Le DPP souligne que, bien que sensible à la douleur de la famille de la victime, ses décisions doivent rester strictement encadrées par la loi, sans céder à l’émotion. Une rencontre a d’ailleurs eu lieu avec les proches de Vanessa Lagesse, en présence de leur avocat, afin d’expliquer en toute transparence les raisons de cette décision.
Conscient que cette affaire, comme d’autres dossiers non élucidés, reste ouverte aux yeux de l’opinion publique, le DPP annonce son intention de recommander officiellement au Commissaire de police la réouverture de l’enquête sur la mort de Vanessa Lagesse. Il propose également que l’île Maurice sollicite, si nécessaire, l’assistance d’experts étrangers afin de faire avancer les investigations. Malgré le temps écoulé, l’instance reste convaincue que « la vérité peut encore émerger ».
Le DPP en profite pour formuler deux recommandations structurelles majeures afin d’éviter que de telles erreurs ne se reproduisent :
• Modernisation des instructions juridiques au jury : les juges devraient désormais soumettre leurs directives légales aux avocats de la défense et de la poursuite avant de s’adresser au jury. Cela permettrait de corriger d’éventuelles imprécisions juridiques en amont, comme cela se fait déjà au Royaume‑Uni.
• Implication du bureau du DPP dès les premières phases de l’enquête : l’intervention précoce des procureurs permettrait de mieux guider les enquêtes, surtout dans les affaires complexes, et d’assurer que les preuves recueillies soient solides et recevables en cour.